Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
De Moscou à Oulan-Bator en train
29 septembre 2012

Mardi 11 Septembre

« Restes au lit, je vais faire du feu » : après une bonne nuit récupératrice et alors qu’il fait froid dans la yourte et que l’on n’ose pas sortir des couvertures bien chaudes, je ne sais pas s’il est possible de s’entendre dire chose plus agréable de la part de son compagnon de voyage. Pendant que nous mangeons nos –désormais habituelles- bananes cuites avec le thé, Bude vient nous chercher pour que nous puissions assister à la traite des yacks.

Comme pour les chevaux, le petit est sorti de l’enclos et court vers sa mère, on le laisse téter une ou deux minutes, puis il est attaché et c’est la mère de famille qui prend le relais après avoir pris soin de lier ensemble les deux pattes arrière. La famille ne parle pas anglais, mais avec quelques mots clés « baby », « school », « student », j’arrive à expliquer quel âge nous avons, ce que nous faisons et comprendre qu’ils ont deux enfants de 10 et 15 qui sont à l’école durant la semaine. Nous les aidons à porter les seaux de lait jusqu’à leur yourte et sommes invités à un « petit » goûter : thé au lait, airag, beurre et yaourt de yack qui nous calerons pour un bout de temps.

A ce moment, la batterie de l’appareil photo est vide : nous n’aurons pas l’occasion de la recharger avant le lendemain soir et vu la beauté de l’endroit, c’est une grosse frustation.

Je m’installe pour écrire près du ruisseau, entourée de collines vertes éclairées par la lumière matinale et suis interrompue par un grondement sourd : un troupeau de chevaux arrive en galopant, rassemblés pour la traite par un cavalier qui pousse des cris aigus, une longue perche en bois à la main. Comme tous ceux que nous avons rencontrés jusqu’ici, il porte le costume traditionnel, et je me dis qu’il ne manque qu’une armure pour avoir devant soi l’image des cavaliers mongols rassemblés par milliers à la conquête du continent il y a des siècles.

En rentrant d’une balade dans les collines, nous assistons à la fin de la traite, essayant sans grand succès de sympathiser avec les poulains. Nous recevons une soupe aux nouilles et au mouton pour le repas, laissons une carte postale avec un « merci » au moment des adieux, puis remontons dans la jeep.

Les trois heures de route d’aujourd‘hui méritent amplement la médaille des chemins les plus accidentés : blocs rocheux, sentiers en pente, nids de poule monstrueux et un bon nombre de franchissement de rivières, où la profondeur est telle que le chauffeur doit enclencher le mode quatre roues motrices pour réussir à traverser. Côté paysages, nous sommes dans un état de fascination permanente : chaque nouvelle colline franchie nous ouvre la vue sur des dizaines de kilomètres de plaines vierges de toute trace humaine, où paissent des moutons et des yacks qui fuient sur notre passage (en bondissant sur le côté comme des crabes), courent de petites marmottes et volent des aigles. Ici, tout est dix fois plus grand que ce que nous avons l’habitude de voir en France et l’impression d’être seuls au monde est saisissante.

Au détour de quelques montagnes apparaît après tout ce vide une curieuse petite localité construite près d’une source d’eau chaude où des camps de touristes se sont développés pour exploiter les possibilités de bains et spas. Bude nous dépose devant l’un deux où nous restons un quart d’heure dans un bain d’eau trop chaude pour pouvoir en profiter plus longtemps. C’est la fin de la saison touristique, nous sommes les seuls (avec le personnel d’entretien) et savourons la première vraie douche chaude depuis Listvianka il y a plus d’une semaine.

Propres, détendus, nous remontons dans la jeep en quête d’un toit en feutre pour la nuit. Bude roule, s’arrête devant des yourtes, demande aux gens leur tarif pour la nuit, repart, s’arrête à nouveau, nous tournons ainsi pendant une bonne demi-heure avant de trouver notre bonheur au bord d’un petit lac isolé entre quelques monts. Comme ce matin, nous nous retrouvons dans l'un des plus beaux endroits que nous ayions vu jusqu'à présent, sans pouvoir l'immortaliser.

La famille nous accueille dans leur yourte avec de l’airag, du thé au lait et des biscuits très durs à base de lait caillé au goût acide assez surprenant, adouci par une bonne couche de beurre de yack. Le mélange est inédit mais pas désagréable, nous en reprendrons plusieurs fois. Pendant que la mère prépare une soupe de mouton avec du riz et des patates, nous discutons autant que le permettent les gestes et le vocabulaire limité. Elle a 37 ans et trois enfants de 15, 10 et 3 ans. Le petit dernier est adorable, constamment blotti contre elle à nous regarder entre curiosité et appréhension. Même si la conversation est limitée, on se sent vraiment bienvenus par la sympathie qu’ils dégagent.

Jusqu’à présent, nous avions toujours été installés dans une yourte séparée, cette fois nous dormons à deux dans un lit simple, avec notre chauffeur assoupi un peu plus loin. Le confort n’est pas le même, mais c’est une chance d’être réellement « en immersion » au sein de la famille.

Publicité
Publicité
Commentaires
De Moscou à Oulan-Bator en train
Publicité
Archives
Publicité